jeudi 12 mars 2020

ESTHER DEVINT REINE ET ROSE GARDA SON SECRET

Comment Esther devint reine et comment Rose garda son secret


    J’ai habituellement beaucoup à dire – trop diront certains – à l’occasion des anniversaires de mes parents. Mais en méditant ce Pourim à la signification de cette fête, et bien je me retrouve non pas muette, mais avec une montagne de questions et d’idées qui prendraient beaucoup de temps à être déroulées comme un collier de Shnirele perele.
Purim occupe une étrange place dans le calendrier juif où elle semble émerger d’une autre civilisation (de plusieurs autres en fait, la perse et la grecque) et converger avec tous les carnavals de la planète. Si on ne conférait pas à Purim des sens allégoriques, mystiques ou même ésotériques, les anniversaires qui dans notre famille s’attachent à Taanit Ester pour Mic et Shushan Purim pour maman, relèveraient du folklore.
Rose debout à côté de son père Baruch Portnoi. 





    Pour les origines de la Megilat Esther, l’article de Wiki dit à peu près tout ce qu'il faut savoir. Une origine qui peut remonter au sillage de la destruction du Premier Temple et la première déportation des Juifs à Babylone, mais peut aussi être aussi plus récente et dater de la période hellénistique (même période que le texte de Daniel), mais ne peut pas être postérieure à la première traduction grecque qui date d’environ -70.

    Le roi pourrait être Xerxes Ier ou Ataxerxes, mais dans un cas ou dans l’autre, les sources perses ne concordent ni avec les événements ni avec les coutumes politiques ou même matrimoniales décrites dans le rouleau d’Esther. Nous sommes donc assez clairement devant un morceau de fiction, peut-être même l’ancêtre de la nouvelle ou du court roman, styles littéraires qui devaient bientôt se développer dans l’Egypte ptolémaïque à l’époque hellénistique.

    Dans ces conditions, la probabilité d’un roman à clé et donc d’une intention mystique et ésotérique du texte se consolide. Il est tentant, pour moi qui les ai à une époque étudiés, de faire des parallèles avec les récits qui associent Proserpine, la fille de Déméter, à Hadès (Pluton). Dans la mythologie grecque, Perséphone (en grec ancien Περσεφόνη / Persephónê, chez Homère et Pamphos d'Athènes Περσεφόνεια / Persephóneia) est une des principales divinités chthoniennes, fille de Zeus et de Déméter et aussi épouse d'Hadès. Elle est d'abord connue sous le simple nom de Coré (Κόρη / Kórê, « la jeune fille »), par opposition à Déméter, « la mère » (ἡ Μήτηρ / hê Mếtêr). Déesse du monde souterrain (les Enfers), elle est également associée au retour de la végétation lors du printemps, car chaque année elle revient six mois sur Terre puis six mois dans le royaume souterrain avec Hadès, notamment dans les mystères d'Éleusis. On remarquera le thème du changement de nom, Coré – tiens une jeune fille (Hadassa en Esther), le cycle des saisons et la coïncidence de ce mois d’Adar avec les profondeurs de l’hiver qui précède de peu la renaissance du printemps. Et enfin un culte mystique de Perséphone et de sa mère Déméter à Éleusis (c’était un peu Lourdes pour les Grecs anciens).

    Comme vous le savez… Je ne suis pas rabbin, mais depuis des années, je me suis exercée à scruter des images, des photos de jeunes filles, et ce qui frappe bien souvent sur ces photographies, celles notamment prises avant la guerre où la coutume était de dignifier la posture par une certaine gravité, c’est un air mystérieux qui plane sur ces beaux visages. Peu de photographies modernes montrent des jeunes filles qui présentent ces visages de princesses au seuil de leur entrée dans le monde, voire de déesses. Photos de classe ou portraits individuels, les photos de cette époque incarnent au mieux ce caractère caché de l’histoire et ici, de notre histoire.

    Il me semble que maman, dont nous avons la chance d’avoir des photographies depuis l’âge de dix ans – ce n est pas donné à tout le monde – ne s’est jamais départie de cet air de gravité énigmatique. Sur toute les photos que nous avons d'elle, cette expression de très légère absence, tel un voile, est palpable. Elle est là, mais elle est aussi dans un ailleurs qui nous est inaccessible. Ses traits qu'elle tient davantage de son père (avec une forte ressemblance avec son frère) changent peu au long de sa vie, ses coiffures bien sûr au fil des modes, son port de tête pas du tout, et son visage traverse le temps sans grande altération de son expression et de son être au monde. Comme toute femme qui a traversé bien des épreuves et vu des choses qu’elle aurait préféré ignorer, comme toute personne s’étant plusieurs fois arrachée à son ancrage pour sauver sa vie, sa famille, sa liberté, elle portait en elle bien des secrets. Sa plus grande victoire de Suse a été de nous préserver de ses pires cauchemars en laissant planer le mystère des ombres qui la hantaient. Rose garde son énigme et avec le temps, celle-ci s'épaissit forcément, quand bien même le monde d'où elle vient nous est mieux connu aujourd'hui qu'hier.
  
PS: Mon histoire alternative de Shushan Purim : C'est un roi un peu primaire mais qui a un grand sens politique qui fait d'Esther une reine. Attendez. Il ne va pas jusqu'à prendre la défense des Juifs de son royaume, le souverain, non, non, c'est un souverain qui veille à ne pas perdre sa base électorale. Au contraire, il met tout le monde à égalité en fournissant à TOUS – même les profs et les nourrissons – la possibilité de se défendre (les fabricants d'armes se frottent la bedaine). Il permet juste aux Juifs de se défendre le jour où il a été planifié de les assaillir... Ce qui permet d'admirer les qualités militaires des Juifs, après avoir été émerveillés par les qualités morales, spirituelles et érotiques de leurs femmes, qui sont toutes des reines Esther en puissance. Mais allez savoir si des femmes armées ne leur mettaient pas la pâté à Suse aux voyous de Aman .

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