dimanche 18 juin 2017

Moïshe Rozenbaumas (1er mai 1922-1er novembre 2016), à peine rendu aux vêtements civils, les médailles de l'éclaireur affleurent en bas de la photographie. 
Un regard somme toute mélancolique et grave. Les années où il a fallu nager entre deux eaux : rescapé, combattant, héros - malgré lui - du régime soviétique et future victime toute désignée du stalinisme. 
Je mesure aujourd'hui le privilège d'être née de deux parents rescapés et d'un père dont l'héroïsme, la bonté, la tendresse m'ont accompagnée si loin dans ma vie d'adulte. Rien n'effacera jamais son regard bienveillant sur la petite fille futée et l'extra-terrestre raisonneuse que j'étais, sa compréhension et son respect de la personnalité de chacun, et son humour désopilant et incisif. Jjusqu'à la fin de sa vie et de sa maladie qui faisait fuir les mots et les constructions, la parole ad hoc lui venait comme un éclair ... "charlatan(s)", répéta-t-il à la volée lors d'une certaine réunion médicale le concernant, peu impressionné par l'aéropage de médecin, infirmière en chef et psychologue siégeant dans sa chambre. Pourtant il était d'une gentillesse désarmante avec tous ceux qui lui apportaient des soins, affectueux, aimant, généreux ... "Tu as faim ? Tu veux t'allonger ? Tu es fatiguée ? ". Les femmes avient toute son estime, son attention et son respect. Elles le lui rendaient bien. Je ne crois pas avoir connu d'autres hommes d'un âge aussi avancé qui provoquait encore un tel effet. 
Je crois avoir eu l'honneur et le bonheur d'avoir été son amie, son interlocuteur et parfois sa confidente durant les années d'écriture de son livre. Depuis ma plus tendre enfance, ma parole avait du poids, elle était écoutée, discutée et parfois contredite avec le sérieux le plus profond. Son amour pour nous était absolu, indiscutable et toute sa vie sa famille a été son plus cher trésor. "Ne devenez jamais riche", nous disait-il avec maintes bonnes raisons. Papa, nous avons exaucé ton voeu à la lettre. Nous continuons des vies laborieuses d'intellectuels, de commerçants, d'artistes, sans jamais oublier notre lien profond avec la pauvreté, avec le manque et avec tous ceux qui vivent dans le besoin.
Tu me manques papa. Je n'ai pas de rendez-vous plus important que retrouver ta voix dans l'enregitrement que tu as fait de tes mémoires, retransmis à présent sur la merveilleuse radio Yiddish Pour Tous, même si je possède et préserve ces cassettes et que ta petite-fille Éléonore les a tendrement et patiemment digitalisées. 

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