VINKL LITÈ
Pouvais-je refuser d'écrire un papier en yiddish sur mon projet Bat Kama At, pour la revue culturelle אויפֿן שוועל Afn Shvel (Sur le seuil), qui paraît depuis soixante-quinze ans, dans son numéro 374-375 consacré aux femmes juives : "Di yiddishe froy"?
Quand bien même mes parents parlaient et s'adressaient à nous en yiddish à la maison, j'ai dû apprendre à écrire lors des premiers cours pris à la bibliothèque Medem en 1979 avec Yitskhok Niborski. Comment dire ? Je n'ai jamais été une très bonne élève en Yiddish, préférant de loin utiliser mes facilités à faire des jeux de mots bi ou tri-lingues, à goûter ma découverte de la littérature, et à me livrer au plaisir le plus profond, apprendre et chanter des chansons dont j'avais la sensation de les avoir toujours connues. Tout plutôt que de me pencher avec sérieux sur la grammaire et le vocabulaire. D'autant plus que commençant avec les premières leçons de College Yiddish d'Uriel Weinreich, l'impression de "savoir déjà" se répétait à l'instar de ce qui s'était produit en quatrième quand j'ai commencé le russe au lycée. Cela n'empêcha pas mon bien-aimé professeur de repérer mon yiddish vernaculaire pas forcément très tenu - je sais depuis que j'ai écrit cet article que j'use volontiers de daytshmérismes - mais fort naturel, et de me propulser devant une classe de débutant. C'est à ce moment-là qu'il m'a fallu acquérir pour le bien de mes élèves un peu plus que des rudiments de grammaire. Je le fis avec la même passion que je mets à toute entreprise, et pendant quelques années, j'apprenais ce dont j'avais besoin pour le transmettre à des élèves parfois débutants, parfois plus avancés. J'aimais plus particulièrement faire lire des textes historiques qui me permettaient de recouper paresseusement plusieurs de mes champs d'intérêts.
Cet article je le devais à ma mère Rosa Portnoi Rozenbaumas qui aurait eu 96 ans aujourd'hui. Elle avait rêvé depuis le primaire de fréquenter le gymnasium Yavne de Telz, parce qu'y enseignaient des maîtres et des maîtresses qui avaient acquis une renommée auprès des fillettes et des familles de ce shtetl à peine plus grand qu'un baillement.
Quand bien même mes parents parlaient et s'adressaient à nous en yiddish à la maison, j'ai dû apprendre à écrire lors des premiers cours pris à la bibliothèque Medem en 1979 avec Yitskhok Niborski. Comment dire ? Je n'ai jamais été une très bonne élève en Yiddish, préférant de loin utiliser mes facilités à faire des jeux de mots bi ou tri-lingues, à goûter ma découverte de la littérature, et à me livrer au plaisir le plus profond, apprendre et chanter des chansons dont j'avais la sensation de les avoir toujours connues. Tout plutôt que de me pencher avec sérieux sur la grammaire et le vocabulaire. D'autant plus que commençant avec les premières leçons de College Yiddish d'Uriel Weinreich, l'impression de "savoir déjà" se répétait à l'instar de ce qui s'était produit en quatrième quand j'ai commencé le russe au lycée. Cela n'empêcha pas mon bien-aimé professeur de repérer mon yiddish vernaculaire pas forcément très tenu - je sais depuis que j'ai écrit cet article que j'use volontiers de daytshmérismes - mais fort naturel, et de me propulser devant une classe de débutant. C'est à ce moment-là qu'il m'a fallu acquérir pour le bien de mes élèves un peu plus que des rudiments de grammaire. Je le fis avec la même passion que je mets à toute entreprise, et pendant quelques années, j'apprenais ce dont j'avais besoin pour le transmettre à des élèves parfois débutants, parfois plus avancés. J'aimais plus particulièrement faire lire des textes historiques qui me permettaient de recouper paresseusement plusieurs de mes champs d'intérêts.
Cet article je le devais à ma mère Rosa Portnoi Rozenbaumas qui aurait eu 96 ans aujourd'hui. Elle avait rêvé depuis le primaire de fréquenter le gymnasium Yavne de Telz, parce qu'y enseignaient des maîtres et des maîtresses qui avaient acquis une renommée auprès des fillettes et des familles de ce shtetl à peine plus grand qu'un baillement.
Je remercie donc ici Yitskhok Niborski de m'avoir alors propulsée devant une classe de yiddish, d'avoir toléré mes tremblements de genres (parce que je suis une Litvatshke) et d'avoir bien voulu relire cet article. Ma reconnaissance va à Sheva Zucker, l'éditrice de Afn Shvel, dont la patience mérite d'être soulignée. Tous mes efforts pour avancer des idées trop intriquées et glisser des concepts articulés à la française ont été déjoués. De toute évidence mon cerveau litvak avait appris à émettre sur une longueur d'onde voltairienne. Archives du Gymnasium Yavne à l'appui, mes constructions n'auraient peut-être pas heurté des étudiantes qui avaient lu - en hébreu ... - Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Novalis et les sentimentalistes anglais, sans négliger la littérature hébraïque moderne.
Écrire en yiddish pour une revue résolument yiddishiste sur des jeunes filles fréquentant un lycée où l'enseignement est prodigué en hébreu (hormis pour le latin et les langues) relève d'un exercice d'équilibre. Si elle brouillait les lignes de certaines oppositions, ma recherche sur l'éducation des jeunes filles au Gymnasium Yavne avait parfois du mal à rencontrer son public. Apprendre c'est Vivre, School Was Life, des mois et des années de conception et d'écriture, d'organisation et de coordination des énergies, pour ne pas parler du nerf de la guerre, la constitution des dossiers de financement, et la quête des soutiens institutionnels. Interviews des dernières étudiantes survivantes à commencer par ma mère, projet de transmission, projet d'exposition. Je marchais sur un fil, mettant en lumière le caractère avancé de l'éducation prodiguée à ces jeunes filles dans un établissement non seulement fort religieux, mais passablement orthodoxe. Le titre choisi pour mon article, "A zivug gemakht min ha-shamayim : frumkayt hot khasene mit der velt", "A Match Made in Heaven: The Marriage of Piety and Worldliness" - "Un mariage conclu en Haut-Lieu, piété et sécularité dans le lycée Yavne de Telz" tente de saisir ces tensions. Comment faire comprendre de quoi il retroune à des libres penseurs convaincus de la nature rétrogade de la religion et ... qu'avais-je à dire et à offrir aux religieux, aux orthodoxes, et à ma famille adepte du rebbe de Lubavitsh à travers ce projet ?
Qu'avais-je à offrir de façon générale à ceux qui ne voyaient dans ce projet qu'une quête exclusivement liée à une histoire familiale ? L'idée s'est imposée très tôt, faire comprendre l'histoire d'une collectivité en la transmettant à une autre collectivité me ramena sur les pas de Reyzele, dans sa Telz natale, Telsiai en Lituanie. C'est là que j'ai proposé au directeur du lycée catholique local, Robertas Ezerkis, de porter cette histoire éducative à la connaissance de ses élèves sein du lycée catholique Vincento Borisevicius, puis dans l'Académie d'Art avec l'aide des professeurs Zita Inčirauskienė, Romualdas Inčirauskas à qui l'on doit la plaque commémorative posée aujourd'hui sur le bâtiment qui fut celui de l'école (son oeuvre est exposée au Vilna State Jewish Museum). Avec une grande compréhension de l'histoire des Juifs de Lituanie, ces enseignants ont dirigé les étudiants, alors en dernière année, aujourd'hui artistes confirmés, qui ont créé des oeuvres d'art remarquables de profondeur et de spiritualité célébrant les vies de ces jeunes filles. Je continue à poser la question sous forme de colle quand je rencontre des artistes : comment représentez-vous l'excellence dans l'éducation ?
Qu'avais-je à offrir de façon générale à ceux qui ne voyaient dans ce projet qu'une quête exclusivement liée à une histoire familiale ? L'idée s'est imposée très tôt, faire comprendre l'histoire d'une collectivité en la transmettant à une autre collectivité me ramena sur les pas de Reyzele, dans sa Telz natale, Telsiai en Lituanie. C'est là que j'ai proposé au directeur du lycée catholique local, Robertas Ezerkis, de porter cette histoire éducative à la connaissance de ses élèves sein du lycée catholique Vincento Borisevicius, puis dans l'Académie d'Art avec l'aide des professeurs Zita Inčirauskienė, Romualdas Inčirauskas à qui l'on doit la plaque commémorative posée aujourd'hui sur le bâtiment qui fut celui de l'école (son oeuvre est exposée au Vilna State Jewish Museum). Avec une grande compréhension de l'histoire des Juifs de Lituanie, ces enseignants ont dirigé les étudiants, alors en dernière année, aujourd'hui artistes confirmés, qui ont créé des oeuvres d'art remarquables de profondeur et de spiritualité célébrant les vies de ces jeunes filles. Je continue à poser la question sous forme de colle quand je rencontre des artistes : comment représentez-vous l'excellence dans l'éducation ?
Enfin, j'ai eu la chance que l'auteure et metteur en scène, Laimutė Pocevičienė, bien qu'elle ne connaisse ni l'anglais ni le français, entende parler de ces jeunes filles juives, explore mon site avec l'aide d'une professeure d'anglais et écrive une pièce, "Esquisses de l'espoir de la ville aux sept monts" , qu'elle a mise en scène avec une petite troupe d'enfants et d'adolescents qu'elle dirige à Telsiai. La photographie qui suit fait partie d'une série prise par Alain Le Roy lors de l'inauguration de l'exposition célébrant le 95e anniversaire de l'ouverture du Gymnasium Yavne, le 6 septembre 2015, en ma présence.
La jeune fille que l'on voit ici à droite (6 septembre 2015), puis à nouveau sur la couverture de Afn Shvel, les mains posées sur ses genoux, sur une photographie prise lors d'une représentation dans le théâtre municipal de Telsiai (quelques mois plus tard), incarnait ma mère Rosa Portnoi. Lorsque j'ai assisté à la représentation lors de l'inauguration de l'exposition et avant que je prenne moi-même la parole, les jeunes acteurs m'ont entourée pour m'offrir un médaillon en céramique représentant la ville de Telsiai, cousue sur une petite pièce de toile de jute. Cette grande jeune fille attendait poliment pour me parler, et elle croisait ses mains devant elle comme je l'avais toujours vu faire à ma mère (sur cette photo de classe assise à gauche devant) .
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At the occasion of the publication of my article in Yiddish about my project Bat Kama At, I want here to express my gratitude to all my friends in Telsiai (Telz), Telšių Vincento Borisevičiaus gimnazija, Garbaliauskas Matas, Jurate Normantiene, in Telsiai Art Academy, Pr. Zita Inčirauskienė, and Romualdas Inčirauskas who carved the commemorative plaque on the building of Gimnasium Yavne. Thanks to their understanding of Jewish history in Lithuania, young artists yesterday students, today confirmed, Simona Remeikaitė, Kristina Balsytė, Rytė Krakauskaitė, have created art works celebrating the lives and education of these young Jewish girls.
These works were also presented at the exhibition celebrating the 90th anniversary of Gimnasium Yavne at the Alka Museum in Telsiai, in September 2015, where Alma Jankauskienė, director of the Archives, invited me to present my project (thank you Ele for being the interpreter of my lecture) to a very warm audience of teachers, students, archivists and Telsiai inhabitants. The presence and support of Monika Jankauskaite, as well as her experience in the Lithuanian nature allowed me to locate one of the massacre place of the girls that was unknown to me.
I was blessed that playwright and director Laimutė Pocevičienė, with the linguistic support of Ele Kakanauskiene the play "Vilties etiudai iš Septynių Kalvų Miesto“ with her theater company of Telsiai. The play that I saw in Museum Alka was exceptionally well played by the children and well directed. It was created in Telsiai in 2013 (for the inauguration of the memorial plaque on the school) by playwright Laimutė Pocevičienė, based on my project Bat Kama At.
For the cover of this issue (374-375) of the Yiddish cultural magazine Afn Shvel the editors chose a photo of a representation given in the City Theater in March 2016. The young girl on the right, with hands on her knees played a character named Rosa Portnoï, my mother's name. When I first saw her on September 6, 2015 in Museum Alka, after the play and after my own lecture, a few young actors were waiting to speak with me, and she was quietly on the side with her hands quietly crossed on her lap as used my mother here 1st left on the front.
I was blessed that playwright and director Laimutė Pocevičienė, with the linguistic support of Ele Kakanauskiene the play "Vilties etiudai iš Septynių Kalvų Miesto“ with her theater company of Telsiai. The play that I saw in Museum Alka was exceptionally well played by the children and well directed. It was created in Telsiai in 2013 (for the inauguration of the memorial plaque on the school) by playwright Laimutė Pocevičienė, based on my project Bat Kama At.
For the cover of this issue (374-375) of the Yiddish cultural magazine Afn Shvel the editors chose a photo of a representation given in the City Theater in March 2016. The young girl on the right, with hands on her knees played a character named Rosa Portnoï, my mother's name. When I first saw her on September 6, 2015 in Museum Alka, after the play and after my own lecture, a few young actors were waiting to speak with me, and she was quietly on the side with her hands quietly crossed on her lap as used my mother here 1st left on the front.
נײַער נומער „אויפֿן שוועל“ געווידמעט דער ייִדישער פֿרוי
אַחוץ אַ ריי אַרטיקלען וועגן פֿרויען אין דער ייִדישער קולטור געפֿינט מען אויך אַרטיקלען וועגן מעדיצין, די ייִדישע שריפֿטן פֿון אלי וויזעל און אַ ביכער־רעצענזיע פֿון אַ 13־יאָריקער מחברטע.
YIDDISH.FORWARD.COM