jeudi 23 mai 2019

VISA POUR LA VIE

Vinkl Litè

Visa pour la vie

Hier 22 mai 2019, le Museum of Jewish Heritage recevait le fils du diplomate japonais Chiune Sugihara au cours d’une rencontre intitulée “An Evening With Nobuki Sugihara”.
Dans l’obscurité qui enveloppait lentement la baie et Battery Park, j’entrais dans le musée en jetant un coup d’oeil médusé au wagon fraîchement repeint qui accueille les visiteurs de l’exposition "Auschwitz. Not long ago, not far away”, qui avait commencé à défrayer la chronique avant même que d’ouvrir en raison des panneaux publicitaires portant ces mots installés sur des autobus new yorkais, passant sous le nez des potentiels voyageurs avec ce signe attrayant. J’ignore si les familles des survivants ont protesté ou si la décence a naturellement prévalu dans l’esprit des communicateurs, mais je n’ai plus revu ces affiches.
Chiune Sugihara (1900-1986) était consul du Japon à Kaunas en Lituanie à l’époque de l’occupation soviétique en 1940. À la veille de l’invasion nazie, pendant l’été 1940, il a émis – contre les ordres de son gouvernement – plus de 6 000 visas pour le Japon aux réfugiés désespérés (juifs et non juifs) se pressant à la porte de son consulat. Un musée ou plutôt une maison lui est consacrée à Kaunas qui était capitale de la Lituanie entre les deux guerres, tandis que Vilna faisait partie de la Pologne.
Lorsque je retournais en Lituanie (où je suis née) pour la deuxième fois, en 2000, Chiune Sugihara n’était plus de ce monde, mais Kaunas était naturellement placée entre Vilna où je travaillais sur mon film, et Telz (Telsiai) où mes pas devaient forcément me conduire sur les traces de l’histoire familiale. Nous étions guidés dans notre parcours par Simonas (Simas) Dovidavicius qui avait été le président de la communauté juive de Kaunas, avant de travailler pour la Sugihara House dont il est devenu le directeur. Sima, qui m’a guidée au cours d’autres voyages et d’autres projets, était le meilleur guide de la Lituanie, connaissant le moindre shtetl, ce qui signifie, sur ce territoire ensanglanté, qu’il savait retrouver les lieux d’extermination de chaque bourgade (en plein bois ou au milieu des broussailles, rarement indiqués à l’époque, sauf par une butte ou une aspérité du terrain), connaissait par coeur les chiffres de la population juive annihilée en chacun de ces lieux de massacre (on en dénombre aujourd'hui grâce, notamment, au travail de Saulius Beržinis et son film Yerushalayim De Lite 250), les dates, les dispositifs meurtriers, et avait des relations personnelles avec chaque survivant habitant encore sur place. Je regrette de n’avoir pas inclus dans le film notre visite dans la misérable masure d’une vieille dame juive de Luokė, si ma mémoire ne me trahit pas. J’avais en tête que le yiddish ne devait pas être mécaniquement connecté avec la destruction de ses locuteurs et j’étais loin d'imaginer que l’histoire des filles juives et de leur éducation allait devenir mon obsession dans les années ultérieures.
J’avais fais un premier repérage à Vilna et à Telz au cours d’un bref séjour au printemps 1999, qui m’avait permis de rencontrer la famille Jacovski, Leja z’l' la grand-mère, qui travaillait encore à la communauté où elle m’accueillit comme une enfant de la famille, et Alexandra, sa fille qui fut ma première compagne de voyage à Telz. C’est durant ce tout premier voyage en autobus que je filmais la scène qui ouvre [nemt], une langue sans peuple pour un peuple sans langue. Un vieillard qui dort, la tête renversée en arrière, dont on ne sait pas s’il est mort ou vif et, en arrière-plan, les cheminées de la centrale nucléaire d’Ignaligna, jumelle de Tchernobyl, dont le démantèlement était prévu par l’Union européenne. Cette centrale nous avait inspiré, à Michel Grosman et à moi, en 2002, après plusieurs séjours, le texte intitulé “Les jeunes filles et la centrale nucléaire”, un réquisitoire contre les brouillages de la mémoire et les mensonges des responsables politiques (et autres) lituaniens concernant le rôle de la population lituanienne dans les crimes commis contre les Juifs sous la botte des nazis.
Hier soir, Nobuki Sugihara – qui a fait ses études en Israël, grâce à un diplomate israélien au Japon, issu d’une famille sauvée par un visa émis par son père – était en conversation avec Ann Curry, une remarquable journaliste et reporter qui a reçu de nombreuses distinctions, notamment celle du Centre Simon Wiesenthal pour ses témoignages sur les génocides. L’un et l’autre ont très clairement mentionné la participation d’une partie de la population lituanienne dans l’exécution des Juifs lors de leur extermination en moins de six mois pour la majorité d’entre eux, rappelant que 95% de la population juive restée en Lituanie a été effacée de la surface de la terre.
Chiune Sugihara à son retour dans son pays dut remettre sa démission aux autorités japonaises. Après avoir perdu son poste diplomatique, il a survécu en se livrant à des travaux divers, notamment le chargement et le déchargement des bateaux dans le port d’une ville dont je ne me souviens plus du nom. L’émotion était à son comble dans la salle quand son fils évoqua cet épisode. Dans les questions de la salle, la plupart des intervenants témoignaient au nom d’une famille, ou d’un père ou une mère, sauvée par un visa. Certains avaient fait enfant le voyage de Kaunas à Vilna, puis de Vilna à Moscou, et enfin de Moscou à Vladivostok par le Transsibérien, avant d’embarquer pour le Japon. Tous regrettaient de n’avoir pu exprimer leur gratitude directement au diplomate. Chiune Sugihara n’a jamais considéré avoir accompli un acte héroïque. Ce n’est pas avant 1985 (un an avant sa mort) qu’il a appris et compris combien de vies il avait sauvées en rusant avec les autorités japonaises, ni à l’origine de combien de vies avaient été ses précieux visas. Les étudiants de la yeshiva de Mir, notamment, ont bénéficié de ces passeports pour la vie. Le descendant de l'un d’entre eux, témoignant de la salle, célébrait les 400 personnes nées dans sa seule famille grâce à ce tampon.
Les premiers visas avaient été rédigés à la main. Un témoin, âgé de quatre ans quand son père avait reçu ce sésame, prononça son nom avant d'intervenir. “Je sais que votre visa était le numéro 17”, lui dit Nobuki. Leçon de mémoire. Puis, avec l’humour dont il avait fait preuve tout au long de ses réponses à Ann Curry, dont la préoccupation était de lui faire dire ce qui distinguait un héros d’un assassin potentiel, il ajouta : “Ceux-ci valent 20 000 dollars, de nos jours”. Très clairement, le trait qui caractérisait Chiune, d'après son fils, était une obstination têtue. Er iz geven an akshn, dirait-on en yiddish. Il était totalement insensible au qu'en-dira-t-on et à la pression de l'autorité. Leçon de vie.
Je n’ai pas eu le plaisir et le privilège de parler avec Nobuki de la Fam. Sugihara. Des "enfants" des visas de son père se pressaient trop nombreux après que les journalistes japonais l’ont interviewé dans l’entrée du musée, à l’issue de la conférence. Mais j’ai eu le plaisir de croiser dans la file de ces enfants mon amie Sheva Zucker, l’âme et la tête pensante de la League for Yiddish, illustre professeur de yiddish et auteur de manuels remarquables.





jeudi 18 avril 2019

PESSAKH : LE PLAT DE RÉSISTANCE


Pessakh : le plat de Résistance


Pour Mélinée, née un 18 avril à l'aube

Femme, photographe, juive au secret chez les partisans russes


Il y a six ans de cela je publiais sur Facebook la photographie d’une jeune femme chevauchant entre deux cavaliers, Le site de la Jewish Partisan Educational Foundation a depuis a ajouté de nombreuses informations à la biographie de Faye Schulman, résistante, partisan et photographe, née le 28 novembre 1919 à Lenin, en Pologne. 

L’immense intérêt de ce site est que les documents y sont présentés par les interviews des survivants. Faye est non seulement le seul photographe connu chez les partisans russes, mais encore une femme photographe, qui a survécu, et commente des décennies plus tard les photographies qu’elle a réalisées et sauvegardées. Celle-ci appartient donc à un moment de la guerre où la situation de son unité s’était améliorée grâce à la capture de chevaux chez les forces nazies, vers la fin de 1944.  “J'étais en mission photographique. J’avais deux gardes du corps. Ils étaient supposés me sauver si j’étais attaquée. Nous chevauchions dans la forêt et je remarquais une fille juive qui passait. “Regarde, une fille juive. Je hais les Juifs. Je les tuerais tous. Mais toi, tu es une Russe, c’est différent.”” Les Juifs dans les unités de partisans russes ou polonaises étaient souvent contraints de cacher leur identité.  La lutte contre l’ennemi commun passait avant tout.
Faye Schulman a ainsi traversé la guerre sans broncher, encaissant, repartant à chaque mission contre les nazis qu’il s’agisse de photographier ou de faire le coup de feu, avec sa caméra en bandoulière et son coeur profondément enfoui sous sa peau endurcie et, après une prise de guerre, sous une fourrure en léopard.
C’est vêtue de cette élégante pelisse que Faye Schulman revient à mon souvenir grâce à l’article de mon amie Rokhl Kafrissen, Potatoes, Potatoes, keeping Peysekh is hard



La fidélité héroïque


Rien de ce qui concerne la renaissance, le revival ou quelle que soit la façon dont on voudra désigner l'intense vie actuelle, la résistance et la revitalisation de la langue et de la culture yiddish n’est étranger à Rokhl Kafrissen. Elle est probablement la mieux informée des journalistes de NY et peut-être des États-Unis dans ce domaine. Ce qui frappe Rokhl est très exactement ce dont je désire vous parler en cette veille de Pessakh. En 1943, Faye Schulman décide de ne consommer que des pommes de terre durant la semaine de Pessakh. Il faut comprendre que le porc et le pain sont à la base de l’alimentation des groupes de partisans, que Faye Schulman est coupée de tout, et que ses parents, deux de ses soeurs et leurs enfants ont été assassinés en Pologne, abattus dans des fosses de sa ville natale (de la même façon que les Juifs de Lituanie), qu’elle n’a pendant des mois passés chez les partisans aucun contact avec un Juif, et qu’elle ne peut suivre cette diète forcée que dans le plus grand des secrets. Au cours d’une brève rencontre en 1942, son frère Kopel, qui avait été étudiant de yeshiva, lui avait donné la date où Pessah tomberait dans le calendrier julien en 1943. Impossible de ne pas penser à ma mère Rosa Portnoï qui refusa de manger de la viande de toute la guerre afin de ne pas risquer de consommer de porc. 
Rokhl cite aussi les mémoires de Faye Schulman, A Partisan's Memoir: Woman of the Holocaust, et ses souvenirs de sa ville natale de Lenin dans des termes qui font écho à ceux de mes propres parents, évoquant leur ville de  Telz (Telšiai en Lituanie) “une atmosphère idyllique; une communauté pieuse mais misnagid (opposants au hassidisme) moderne, où la vie juive se déroulait publiquement et avec enthousiasme (c’est moi qui traduit).”  Ayant peut-être reçu beaucoup de ce que Rokhl Kafrissen a dû acquérir de culture yiddish, je me sens extrêmement proche d’elle lorsqu’il s’agit de mesurer mon propre engagement dans cette culture, mes points d’ancrage dans l’histoire juive et ce que signifie à un moment donné d’être fidèle à cet héritage, de le transmettre en lui donnant une forme à la fois profondément personnelle mais détachée de la question de l’identité.


Du bon usage de la trahison


Ce n’est pas d’aujourd'hui que me tarabuste la question posé par mon maître Pierre Vidal-Naquet, titre de son long essai d’introduction à la traduction (par Pierre Savinel) de La Guerre des Juifs  de Flavius Josèphe. Quel rapport entre un général juif prisonnier des Romains qui accepte de faire l’intermédiaire avec les Yérosolomites assiégés et une femme juive chez les partisans russes ? C'est une question qui exigerait un beaucoup plus long texte pour être seulement abordée. Cela touche à tout ce à quoi nous croyons et à ce qu'il convient de sacrifier pour conserver non pas sa pureté mais sa vérité, quand bien même celle-ci est musltiple. Il se trouve que le seul témoignage continu que nous possédons de la période romaine, jusqu’au siège de Massada et au bannissement des Juifs de Palestine par les Romains est le récit de Flavius. C’est dans les épreuves que se forgent les caractères des individus et ceux des peuples. Il n’y a aucun mérite absolu à appartenir à un peuple ou à une culture, à une ethnie ou à quelque communauté dans laquelle le destin nous a fait tomber. Mais celui qui se donne pour tâche de témoigner dans la tourmente renonce pour un temps à juger, et ne doit pas être jugé.
C’est avec le matériel que nous offre une société et un temps que nous construisons notre rapport intime et unique à notre ou à nos cultures. Héritière de plusieurs tradition du judaïsme, mais aussi de l’histoire soviétique que L’Odyssée d’un voleur de pommes et plus récemment The Odyssey of an Apple Thief m’ont fait traverser en accéléré, dans tous les sens et avec une intensité que j’ai décrite ailleurs, je me sens profondément solidaire de tous ceux qui ont eu à mettre en sourdine ce qu’ils étaient en sortant de la maison de leurs parents. Je pense aussi aux soeurs de ma mère, Sonke et Minke, recrutées dans l’armée soviétique où, si mes souvenirs sont bons 900 000 femmes de toutes les “nationalités” de l’Union soviétique ont servi.
Abattre l’ennemi nazi était le rêve de tout partisan et de tout soldat soviétiques, mais c’était encore davantage celui des Juifs qui ne devaient plus jamais revoir leurs familles anéanties. Sur 3 millions de Juifs que comptaient la Russie, le nombre disproportionné de 500 000 soldats a servi dans les rangs de l’armée pendant la "Grande guerre patriotique”. Un tiers a survécu.  Dans la partie occidentale de la Russie soviétique, au moins un million et demi de Juifs ont été abattus par les nazis aidés de leurs collaborateurs zélés dans des fosses que l’on a toujours pas fini de documenter. C’est dans cette partie de l’Europe que nous manque le plus de noms des victimes. Un vaste répertoire de chansons yiddish a récemment été redécouvert par Anna Shternshis dans des archives soviétiques, où ces documents avaient été enterrés (c’est une longue histoire d’archives et d’archivistes). Ces chansons, interprétées par le très savant artiste Psoy Korolenko, témoignent dès le début de la guerre des sentiments des femmes, des hommes et des enfants face à ces massacres et de leur désir de venger leur peuple. Il n’y a pas grand chose de casher dans ce répertoire, mais il y a un rapport immédiat à une histoire composée de plusieurs cultures dont je me sens dépositaire.
C’est aussi la leçon de Pierre Vidal-Naquet et peut-être aussi celle du Marc Bloch de L’Étrange défaite (plus que celle de Apologie pour l’histoire), celle des journaux de Leib Rochman et d’Emanuel Ringelblum qui fait que mon observation peu scrupuleuse – mais de bonne volonté, même s’il m’est impossible de ne pas scruter et détecter la coutume de trop des lois du judaïsme soit contrebalancée par une responsabilité maniaque envers l’histoire. Le pouvoir spirituel de la religion se conjugue aussi au temps de la résistance et au mode de la critique.

La katédral de paris Zutalors


Ma fille aînée est née le 18 avril à l’aube et a failli s’appeler Judith. Peut de temps avant sa naissance, c’est un prénom arménien qui émergea, lié à l’histoire de la Résistance française: 
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.

Dans les réseaux combattants de la MOI- Main-d’oeuvre étrangère, où les anciens de la guerre d’Espagne formaient les cadres, les Juifs composaient la grande majorité des effectifs. Il en était de même des fusillés de l’Affiche rouge. Aragon a-t-il outrepassé la pensée de Missak Manouchian, je ne sais, car le mot “France" n’apparaît pas dans sa lettre à Mélinée, mais il lui écrit : "je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense.”

On ne peut pas toujours éviter les rapprochements, le 18 avril était aussi en 1943 la veille de Pessakh et la date choisie par les combattants du ghetto de Varsovie pour le soulèvement. J’ai eu récemment l’honneur de recevoir des mains de la poétesse Irena Klepfisz une brochure qu’elle a compilée et éditée, offrant un aperçu de textes et de chansons commémorant le soulèvement. Pour avoir traduit le journal d’Emanuel Ringelblum, je mesure ce que cela signifie qu’Irena Klepfisz soit née dans le Ghetto de Varsovie. Je ne sais pas encore comment elle a survécu. Son père, Michal Klepfisz, était un dirigeant bundiste du soulèvement armé et a été l'un des premiers à tomber sous les balles des nazis. Elle me disait que l’on parlait polonais dans sa maison, et non yiddish.


Quand la cathédrale de Notre-Dame était en feu, lundi soir, j’ai été surprise de l’émotion qui m’a assaillie. Je me suis endurcie au fil des ans en travaillant sur notre littérature yiddish qui n’est pas une promenade de santé, mais je n’étais pas préparée à refouler mes sentiments à cette blessure qui ravageait le coeur de la France. L’attachement à l’histoire collective d’un pays nous ramène encore une fois  à Marc Bloch, fusillé par les nazis le 16 juin 1944 et qui avait passé ses derniers mois en clandestinité à écrire L’étrange défaite : "Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération.” 
C’est cet amour de la France et de son histoire collective dont les bâtisseurs de cathédrale représentent un zénith, comme l'amoure de "l'ouvrage bien faite" qui est la vertu cardinale des Compagnons du devoir, que j’ai probablement transmis à mes enfants et mes petits-enfants. Sentir ce qui nous relie et savoir d’où nous venons est exactement ce qui nous rend capable d’exprimer cette histoire et, en définitive, d’y participer. J’espère qu’ils embrasseront tout leur héritage et qu’ils envisageront combien ils sont riches de leurs fidélités multiples. 
Dans le fond, toute la littérature yiddish traite de cette tension entre les traditions et les ruptures que l’on nomme parfois révolutions, et de la liberté des individus d’embrasser ou non des formes de pensées qui les ont précédés. De quelles matières seront les nouvelles charpentes de la Notre-Dame ?



lundi 18 mars 2019

Diglossia in Odyssey of an Apple Thief


Further Notes on languages, translations, 
and mapping

Isabelle Rozenbaumas


Moishe Rozenbaumas passed away on November 1st 2016. At the time, Jonathan Layton had already translated the French book and we had begun to entertain the idea of an English edition.

Languages

Not unlike Moishe himself, this Odyssey Of An Apple Thief traveled a long way, going back and forth many times, first from Yiddish to French, now from French to English, always leaning soundly on the original Yiddish manuscript, and, for this version, on Moishe's own Yiddish-language recording of his text. During the translation process, the French translator, now the editor of this English version, was always accompanied by the author: in person while she established the French version published by La Cause des Livres in 2004, he was literally sitting at her side and by recordings of his voice, which she listened to while revising the version now being published by Syracuse University Press, worried that anything added in the French version might be omitted.
While Moishe’s narrative bristles with Yiddish names, Yiddish and Hebrew concepts, Russian vocabulary, we are surprised not to find almost a single Lithuanian word. This fact in itself speaks to the invisible barrier separating the Jewish working youth from the ethnic Lithuanian population. The Jews had “only” been in the country for the past seven hundred years. Moishe’s grandparents on his mother’s side lived in Gargždai (Gorzd), one of the oldest Jewish community attested in the archival sources as far back as the 16th century. Multilingualism was a hallmark of Jewish life in this corner of Lithuania. The author’s mother Mere-Khaye, a simple woman, could read and speak German, speak Lithuanian with her neighbors, used Yiddish as her vernacular and could probably read and write it, and prayed in Hebrew. From this shtetl, which Sholem Aleichem might have described as “large as a yawn”, the United States Holocaust Memorial Museum in Washington owns a photo of  a “Group portrait of an Esperanto class in Gargzdai, Lithuania”, dated 1940.
Instead of one final glossary accounting for this polyglossia, it made more sense to import this multilingual corpus into the text itself, translating in apposition, polishing it, paraphrasing and adding a footnote only when a notion needs more context, because this juxtaposition was in the logic of the author’s writing itself, and embedded in his oral culture. This very method of commenting on words from different languages had also been part of the process of elaboration of the French version when my father and I sat together trying to figure out how to match his original Yiddish text, my understanding of it, and his own French translation in what I have called tate-loshn. His answers to my questions contributed amending and enriching the narrative. Indeed, each leg on this journey has been a very Jewish mode of expending a text by adding levels of exegesis and commentaries.

Names, romanization and pronunciation of Yiddish
For reasons he explains himself in his short introduction, Moishe has preferred not to name most of the persons he is remembering, tinting his narrative with a more collective quality, and conferring on his testimony a historical or sometimes sociological character. The Yiddish names of the members of our family are rendered in the Yiddish inflection they were pronounced with and written by my parents, and more precisely the way my father has transcribed them in his French auto-translation and in the forms he conveyed to Yad Vashem. In general, but even more for Moishe’s first name, I tried to maintain coherence between the French and the English translation, so as to avoid the same Yiddish name having a different romanization in each language.
For most Yiddish words, I have adopted the standard YIVO transliteration as in khasene, khokhme and kneydlekh. I refrained from adding footnotes of the sort: kneydlekh: matzoh balls. Only for words which are widely used in English (e.g. challah, chutzpah) have we adopted the usual American spelling. For Russian words, I transliterated them according to the Library of Congress system for Cyrillic alphabet.
It has been suggested to me to transcribe names and words according to their pronunciation in the Lithuanian Yiddish dialect, which covers a geographical zone much larger than the borders of present day Lithuania (see Map 1), including parts of (Northern) Belorussia as well as Russia. Over the years, I noticed that Yiddish-speaking families sometimes reproduce characteristics of their vernacular from a town or from a religious background like hassidic where the loshn kodesh, the Hebrew component of Yiddish, can expand so much as to become opaque to a secular speaker. Other will use daytshmerizm (germanization), revealing a more intellectual or assimilated Jewish milieu. Then, the Yiddish language is more or less tinted with/influenced by the language of the country. Moishe whose father’s family was from Warsaw had a very distinctive – not to say idiosyncratic – difficulty to differentiate the sounds s from the z, sh or the g/j, possibly characteristic of Lithuanian Yiddish. His wife Rosa, born and raised in Samogitia (Žemaitija), the Western region of Lithuania, didn’t speak exactly the same yiddish. On the tapes recorded by Moishe, I was able to perceive some very fine distinctions I never noticed before in conversation, like the sound “oeil” (in French) instead of the [ey] for [oy] in the words like broyt, aroys, farkoyfn, which appears to be a feature of this region’s Yiddish. Regional differences inside Lithuania must have been very subtle, almost imperceptible if not to linguists, not to mention the existence of familiolects, a specific accent or expression shared by a family. While striking a speaker of Polish or Ukrainian Yiddish as different from his own vernacular, it needs a trained ear to distinguish Litvish from standard Yiddish. To translate phonetically these minuscule inflections would require a strong literary or ethnographic goal. Therefore, it is preferable to stick to standard Yiddish and to give access to Moishe’s recordings of the whole initial manuscript in his consistent Litvish Yiddish to anyone interested in dialectology.

Mapping and contextualizing
The map that was presented in the French edition was the result of the common work of Moishe with his granddaughter Eléonore Biezunski, then a student in geography. My father explained to us that he had drawn his itinerary through Europe and Asia with his pattern designer needle point tracer on the map she had prepared for him. The task of remapping the Odyssey of Moishe finally fell on the geographer and cartographer Jacques Enaudeau who provides three maps : “The Lithuanian Territory on the Eve of WWII”, which presents the names of the towns and cities in their Yiddish transliteration as well as in the language of their then national space, “The 7,000 miles of Moishe’s Odyssey” , and “The War and the Holocaust on the Eastern Front (1941-1945)”. A number of historical notes have been added that didn’t seem necessary almost twenty years ago because the readers might have been more familiar with certain aspects of history at this time.

As stated in Yitskhok Niborski’s preface to the French edition, the original Yiddish text was written by Moishe in a beautiful Yiddish. This book is also a tool to understand the Yiddish culture and history of this “ Ruined Garden”. All in all, the choices that have been made here propose a path to enter into Moishe’s cultural world in a vivid way, allowing the reader to sense the Jewish atmosphere of the interwar era, in this specific place that was Lithuania, but also to measure the weight of history on the Jewish society through the eyes of an individual with exceptional gifts of observation and analyses in conditions of hardship.